Voyage au centre de ma PAL (4): Le mois anglais – le Bilan
Ceux qui ont suivi les épisodes précédents de mon voyage périlleux au cœur de ma PAL savent déjà quelle architecture fantastique a remplacé ma bibliothèque depuis qu’accumulant les livres, sans trouver le temps de tout lire, j’ai bâti, au gré d’envies fugaces ou permanentes, cette sorte de caverne d’Ali Baba de la lecture, dans laquelle je puise livre après livre les plaisirs qui viennent nourrir ce blog. Mais, un jour, il a fallu que je me fasse une raison: ma PAL, n’est plus une pile de Livres à Lire, c’est un un palais, une cité fantastique, un pays, de vastes territoires peuplés de tentations multiples. Lorsqu’en janvier dernier je me glissais, insouciant, entre deux falaises de poches, décidant de porter mes pas jusqu’au cœur mystérieux de ma PAL, j’ignorais encore à quelles expériences nouvelles, à quelles révélations il allait m’être donné d’assister…
Je connaissais l’histoire bien sûr. J’avais lu, comme d’autres, les romans d’aventures où le héros s’avance, dans un pays étranger, et y fait, au prix d’expériences périlleuses, poussé par le désir et par la peur, la découverte d’autrui et de lui-même. J’avais appris à reconnaître dans cette nuit de jungle, qui fait le cœur obscur de mes lectures, au moment où elles ne sont que les poussées velléitaires de mes sorties en librairies, un miroir de moi-même. Tout héros de roman d’aventure sait cela. Il n’y a de véritable aventure que l’aventure intérieure, même s’il faut parfois pour que la magie se fasse le détour d’un voyage par les Pôles, ou par l’île au Trésor, par les Highlands sauvages et inhospitaliers, ou par le sous-marin du capitaine Némo. A mon tour, j‘avais connu des épreuves: ainsi ce marais des livres oubliés où je faillis rester enlisé tout le restant de mon existence. Au milieu de ce pays de désolation, pourtant, j’avais su trouver de bien agréables refuges où faire halte: le peuple des Libretto chez qui je posai mes bagages une première fois ou cette communauté, à la fois exubérante et très stylée, où je passais, avec quelques autres, tout le mois de juin.
Seulement, voilà, le mois anglais de Lou et Titine se terminait. Ce fut un mois riche en découvertes. Je nouais de nouvelles amitiés. J’emportais avec moi, arrachés à la multitude des livres à lire, des compagnons qui allèrent rejoindre la troupe des livres chroniqués. Mais il fallait quitter ce charmant village anglais.
Je pris la direction du sud. J’avais pour objectif une nouvelle contrée, une véritable capitale du spectacle qui, dans ma PAL, portait le nom de cité d’Avignon, et dont on m’avait vanté les grandes fêtes théâtrales qui devaient commencer vers le 5 ou 6 juillet. Mais le chemin était long encore. Et, le premier soir de mon nouveau voyage, au creux d’une forêt profonde, adossé à plusieurs volumes des Comédie de Shakespeare et des Romans de Virginia Woolf, qui devaient m’accompagner une partie de cet été, je me chantai, sur l’air d’une vieille ballade anglaise, le nom des fiers compagnons de ce mois passé, les amours perdues et nos virées dans les tavernes.
Ce sont les compagnons de ce mois anglais, dont je chante le nom:
beau roman victorien sur les splendeurs de la nature et la défaite des sentiments;
E.M.FORSTER: Avec vue sur l’Arno
qui vivifia de ses pointes ironiques mes retrouvailles avec cet auteur tant apprécié;
belles retrouvailles aussi, et un superbe personnage de méchante;
Joseph CONRAD: Au coeur des ténèbres
LE chef d’oeuvre lu et relu;
car il n’y a pas que les nourritures spirituelles dans la vie;
qui me parla, avec son léger accent anglais, de l’histoire de sa famille en Allemagne;
BD suggestive, artistique – et bel exercice de style scénaristique sur le mythe littéraire de Sherlock Holmes;
Anthony TROLLOPE: Miss Mackenzie
le dernier coup de cœur de ce très beau mois anglais.
Puis, comme le jour paraissait, je m’aperçus que j’avais chanté toute la nuit, et, avec une dernière pensée pour Lou et Titine, qui rendirent cette belle rencontre de lecture possible, je repris sous le bras mon sac de livre et glissant, entre deux volumes d’éditions théâtrales, j’abordais le beau pays d’Avignon…
8 réflexions sur « Voyage au centre de ma PAL (4): Le mois anglais – le Bilan »
Encore un très beau billet, merveilleusement rédigé et plein d’imagination… j’adore me promener dans ta PAL, j’espère que tu me pardonneras cette intrusion ! Merci pour les clins d’oeil 🙂
@Lou: je vais finir par monter des voyages organisés au coeur de ma PAL! Grand frisson garanti, et
rencontre avec les plus grands auteurs de la littérature mondiale…
J’aime beaucoup tes “Voyages au centre de ta Pal”, c’est très bien écrit et cela donne des idées !
@Emily: je commence à avoir la pression! J’essaierai de ne pas démériter dans les prochains
épisodes…
J’adore ce petit rendez-vous au pays de ta PAL, tes billets sont toujours très bien écrits et poétiques. Bon voyage en Avignon et garde de côté quelques amis anglais pour le retour du come-back du
mois anglais l’année prochaine ! 😉
@Titine: j’ai avec moi deux amis anglais très sûrs (Shakespeare et Virginia Woolf) qui m’accompagnent en Avignon. Je vais donc continuer un peu là-bas en quelque sorte ce mois
anglais. En plus, j’ai déjà programmé une pièce de Pinter. Le reste, je le garde, évidemment, pour l’année prochaine.
Cette idée de voyage dans ta PAL est juste géniale. C’est manière originale et créative d’aborder une simple liste de livres à lire, je suis admirative.
“Les Forestiers” me tentent beaucoup ainsi que “Vue sur l’Arno” (je me force à ne pas regarder l’adaptation, c’est dur!). J’ai aussi encore à découvrir Trolloppe mais je ne sais pas par là où
commencer. Je vais peut-être lire celui-ci puisque c’est ton coup de coeur !
@Alexandra: ce sont en fait tous les trois mes coups de coeur de ce mois anglais – des lectures différentes pour des moments différents. “Les Forestiers” est grand, fort, mais
dur; Trollope, à réserver pour un jour où tu veux lire un texte facile, mais amusant; à ta place, je commencerais peut-être par “Avec vue sur l’Arno”: le roman commence à Florence, dans une
pension de touristes anglais en visite en Italie, Baedeker en main – il y règne déjà comme un air de vacances…