L’art, ou la vie

La grandeur de l’art véritable, au contraire, de celui que M. de Norpois eût appelé un jeu de dilettante, c’était de retrouver, de ressaisir, de nous faire connaître cette réalité loin de laquelle nous vivons, de laquelle nous nous écartons de plus en plus au fur et à mesure que prend plus d’épaisseur et d’imperméabilité la connaissance conventionnelle que nous lui substituons, cette réalité que nous risquerions fort de mourir sans l’avoir connue, et qui est tout simplement notre vie, la vraie vie, la vie enfin découverte et éclaircie, la Lire la suite…

Anne-Marie BOCH: L’euphorie des cimes

L’euphorie des cimes, cette ivresse particulière du dépassement de soi en montagne. Chirurgien et alpiniste amateur, Anne-Marie Boch y consacre un joli petit essai qui est comme une sorte de phénoménologie de l’alpinisme. Beau récit d’expériences qui, mises bout à bout, finissent par approcher quelque chose de cette euphorie des cimes qui donne son joli titre à ce livre: l’hostilité du milieu naturel, sa fragilité, un certain romantisme de la solitude, l’effroi délicieux d’une montagne qui contemplée de près ouvre au sentiment du sublime, les effets aussi sur le corps Lire la suite…

Eloge de la main: « on dirait qu’elle pense »

La lecture parfois permet des associations comme on suivrait des pensées: de fil en aiguille par le simple jeu de « ça me fait penser à », le plaisir d’avoir découvert une sente, le désir de la suivre. Le beau livre d’Anne-Marie Boch, L’euphorie des cimes, les très belles pages qu’elle consacre à l’expérience d’une forme de toucher esthétique quand on grimpe en montagne (pages dont j’ai publié ici un extrait jeudi dernier) m’a ramené à des choses que je connais mieux: le tâtonnement de la main qui crée par exemple dans Lire la suite…

Une sensualité toute minérale

Comme le remarque le public, étonné, l’escalade est une activité qui se pratique «à mains nues ». Et que l’on porte des gants en alpinisme glaciaire ne change rien à l’affaire, En escalade rocheuse, on met les mains sur la paroi, et ce contact direct participe de l’impression de réalité du monde. L’alpiniste entretient avec le monde un rapport charnel, incarné. Il prend le monde à pleine main, cette main qui tâte et caresse le rocher en même temps qu’elle s’y agrippe. Contact rugueux, certes, mais en même temps plein Lire la suite…

Du bon usage de la montagne

Soudain, en pleine montée, me voici doublé par un coureur à pied, lancé comme une fusée, en short et tenue légère, qui semble prendre le GR5 pour une piste d’athlétisme. Puis en voici un deuxième, un troisième… J’ai l’impression d’être un éléphant. Pour eux, le relief est un terrain de jeu postmoderne: une course contre la montre qui ignore le degré de la pente et finit par mettre entre parenthèses la montagne elle-même. Cela témoigne d’un manque évident de respect, qui caractérise bien la vulgarité contemporaine: réduire la montagne à Lire la suite…

Par Cléanthe, il y a

Carl Gustav JUNG: Essai d’exploration de l’inconscient

Quelques mois avant sa mort, Jung fit un rêve dans lequel il s’adressait en toute simplicité à un large public qui le comprenait aisément. De ce rêve est sorti l’Essai d’exploration de l’inconscient, dernier livre du psychanalyste, introduction à sa doctrine à destination du grand public. Toute la démarche de Jung est dans cette inspiration. Le rêve est le révélateur de la psyché humaine, un terrain d’exploration extraordinaire, le lieu aussi où se préparent et s’expriment, sous la forme d’images symboliques, bien des décisions et des pensées conscientes à venir. Lire la suite…

La présence du primitif

L’homme se sent isolé dans le cosmos, car il n’est plus engagé dans la nature et a perdu sa participation affective inconsciente avec ses phénomènes. Et les phénomènes naturels ont lentement perdu leurs implications symboliques. Le tonnerre n’est plus la voix iritée d’un dieu, ni l’éclair son projectile vengeur, la rivière n’abrite plus d’esprits, l’arbre n’est plus le principe de vie d’un homme, et les cavernes ne sont plus habitées par des démons. Les pierres, plantes, les animaux ne parlent plus à l’homme et I’homme ne s’adresse plus à eux Lire la suite…

La noce au musée du Louvre

Quand on se remit à marcher, Boche résuma le sentiment général : c’était tapé. Dans la galerie d’Apollon, le parquet surtout émerveilla la société, un parquet luisant, clair comme un miroir, où les pieds des banquettes se reflétaient. Mademoiselle Remanjou fermait les yeux, parce qu’elle croyait marcher sur de l’eau. On criait à madame Gaudron de poser ses souliers à plat, à cause de sa position. M. Madinier voulait leur montrer les dorures et les peintures du plafond ; mais ça leur cassait le cou, et ils ne distinguaient rien. Alors, avant Lire la suite…

David BOSC: La claire fontaine

En juillet 1873, Gustave Courbet poursuivi pour avoir fait déboulonner la colonne Vendôme sous la Commune et menacé de devoir rembourser la reconstruction du monument sur ses deniers personnels traverse la frontière suisse et part s’installer au bord du lac Leman. Ce sont les dernières années du grand peintre réaliste, années souvent dédaignées par la critique. Courbet il est vrai peint mal, de façon presque industrielle. Il se tue à force de boire. Pourtant de ce corps colossal émerge un chant, une vision du monde. Le grand spectacle de la Lire la suite…