Sur la mer, loin de nous, les éclairs déchiraient l’horizon
“Et maintenant, Christian ?” a-t-elle demandé. “Allons…” “Une autre fois, a-t-elle dit, nous irons au champ de pierres une autre fois.”
Je connaissais la hutte revêtue de roseaux, au toit de tôle ondulée, du vieil ornithologue qui y avait passé certains étés. La porte pendait aux gonds, une casserole et un gobelet d’aluminium étaient posés sur le fourneau de fer, le divan bricolé était recouvert d’un matelas de varech. Stella s’est assise sur le divan, elle a allumé une cigarette et a inspecté l’intérieur de la cabane, l’armoire, la table tout égratignée, les botte en caoutchouc rapiécées accrochées au mur. Ce qu’elle voyait a semblé la réjouir. Elle a dit : “On va certainement nous retrouver ?” “Bien sûr, ai-je répondu, ils vont nous chercher, ils vont découvrir le dinghy et nous ramèneront sur la Katarina.” La pluie s’est renforcée, elle crépitait sur le toit de tôle ondulée, j’ai rassemblé des bouts de bois qui traînaient et j’ai allumé le poêle, Stella fredonnait doucement, une mélodie que je ne connaissais pas, elle fredonnait pour elle, comme si elle ne le faisait pas exprès, en tout cas ce n’était pas pour que je l’écoute. Sur la mer, loin de nous, les éclairs déchiraient l’horizon, sans arrêt je regardais dehors, espérant repérer les feux de la Katarina, mais tout était trouble sur l’eau et je ne voyais rien apparaître.
Siegfried LENZ, Une minute de silence, traduction Odile Demange, Robert Laffont, 2016.
Extrait publié dans le cadre des Feuilles allemandes.
2 réflexions sur « Sur la mer, loin de nous, les éclairs déchiraient l’horizon »
un auteur que j’aime énormément
As tu lu le dernier bateau, un beau roman sur l’adolescence
C’est le premier Siegfried Lenz que je lis. Mais j’aime déjà beaucoup cet auteur, qui me renvoie notamment à ces paysages peu connus du nord de l’Allemagne où j’ai passé plusieurs étés durant des journées délicieuses. Je note cet autre titre. Merci pour la suggestion.