William Wilkie COLLINS: L’Hôtel hanté
Dans l’opulence d’un vieux palais vénitien clos sur lui-même, Lord Montbarry expire, à cause d’une bronchite qui a mal tourné. Personne pourtant ne lui connaissait de faiblesses. Et pourquoi ce départ soudain des domestiques : une servante rigoriste qui donne son congé et regagne Londres au plus tôt, un guide italien qui inexplicablement disparaît ? La maladie du lord a-t-elle un lien avec son mariage récent avec la Comtesse Narona, une aventurière ? A quoi le baron Rivar, frère présumé de la Comtesse, occupe-t-il son temps ? Quelles obscures expériences développe-t-il dans l’obscurité des souterrains du palais ?
Parmi les gloires littéraires de la bogosphère, Wilkie Collins occupe l’une des toutes premières places. La promesse d’histoires mystérieuses, aidée par les jolies couvertures que la collection Libretto donna un temps à la réédition de ses romans m’a longtemps donné envie de m’y plonger. Hélas, après La Dame en blanc dont j’ai gardé un souvenir mitigé, L’Hôtel hanté ne m’a guère convaincu non plus. J’essaierai encore Pierre de lune. Mais j’ai peur de ne pas accrocher complètement encore. Pourtant, le propos avait tout pour me plaire : une sombre machination fomentée dans l’obscurité d’un palais vénitien bientôt transformé en Hôtel de luxe où, sous la pression des forces de l’au-delà, la clé du mystère vient à être révélée. Il y a dans cette proximité des abîmes du dérèglement mental et des gouffres du surnaturel que met en scène de roman le motif des meilleures histoires de fantôme. D’autant que la forme relève d’une recherche qui place ce récit au niveau des plus ambitieux romans fantastiques. Mais qu’on est loin du Tour d’écrou d’Henry James, ou même des histoires de fantômes d’Edith Wharton !
Il y a en effet dans le roman de Wilkie Collins une recherche d’effets systématiques, toute une pacotille de terreur facile, faite pour effrayer à bon compte, une sorte d’intensification des procédés du roman gothique (que j’aime beaucoup en revanche) qui rend le récit – et surtout ses terreurs – peu crédibles : des apparitions, un corps dissous dans l’acide, une tête coupée conservée dans une cachette sous le plancher, à laquelle on accède au moyen d’un mécanisme caché dans la cheminée, des remords qui peuvent conduire une épouvantable créature jusqu’à la folie, à moins que ce ne soit la terreur qui frappe cet être diabolique lorsqu’elle devient sûre d’être vaincue par la jeune femme douce et angélique à qui elle vient d’arracher son futur époux, des coïncidences, des prémonitions – tout cela sur près de 300 pages : franchement, j’ai eu du mal à supporter cette recherche systématique des effets, qui fut la cause sans doute en son temps du succès de Wilkie Collins – la bonne société victorienne avait besoin peut-être d’être remuée par principe, faute d’être capable de s’émouvoir de la misère fomentée en Angleterre et des conséquences de la domination impériale britannique qui assuraient sa prospérité !
Il est vrai, mes faveurs littéraires victoriennes portent plutôt du côté d’Henry James, un Américain installé à Londres, qui refusa de jouer le jeu de cette littérature facile et préféra trouver ses modèles chez Jane Austen et chez Balzac, Stevenson qui s’éloigna à Samoa pour écrire de magnifiques romans écossais, et surtout George Eliot qui nous montre qu’on peut écrire des romans, même à l’époque victorienne, qui mettent en scène de véritables femmes – et non ces oies blanches ou ces créatures diaboliques du « roman à effets » – et développer un regard critique sur la société. Encore une déception donc, mais je m’accroche, je finirai par lire – c’est promis – Pierre de lune dont tant de lecteurs disent du bien (parmi lesquels Stevenson et Henry James eux-mêmes), avant de condamner définitivement Wilkie Collins aux oubliettes de ma bibliothèque ! (à vous donc, j’attends vos arguments, car je ne demande vous l’aurez compris qu’à être convaincu par cet auteur qui ne parvient pas à me conquérir…)
Lu dans le cadre du Challenge british mysteries de Lou et Hilde.
10 réflexions sur « William Wilkie COLLINS: L’Hôtel hanté »
Zut! Le titre semblait prometteur. Mais j’avoue ne m’être jamais plongée dans les romans de Wilkie Collins. J’ai lu les résumés des jaquettes de ses livres et cela m’ennuyait. J’ai en revanche dans
mon recueil de nouvelles, Henry Jame, Stevenson et Edith Warthon. C’est parfait, je vais les lire demain matin tranquillement au lit. Apparemment ce sont de très bonnes nouvelles fantastiques.
As-tu celle de Gaskell? The olde nurse’s story? Elle m’a fichu les chocottes. Je suis sûre qu’elle a inspiré Susan Hill. Rien qu’en l’écrivant j’ai déjà la chair de poule! Je vais la relire pour
faire un billet dessus. Tiens, cela sera mon prochain article! Bye
@Missycornish: tu devrais quand même essayer de lire un Wilkie Collins. Beaucoup de blogueurs sont fans. Mais c’est vrai que j’ai plus de mal personnellement avec cet auteur. Je
n’ai jamais rien lu en revanche de Gaskell.
Je voulais te laisser un petit commentaire à ce billet depuis sa publication mais j’ai pris bien du retard ! Personnellement j’ai beaucoup aimé ce roman mais je ne l’ai pas lu dans la même édition
et il paraît déjà que certaines éditions sont mal traduites (ce que m’a dit une amie fan de Wilkie Collins). Je ne sais pas si ça a pu jouer. Après Wilkie Collins est un auteur de roman populaire,
il me semble difficile de le comparer au grand James dont les textes sont particulièrement fins. Mais Wilkie reste pour moi une valeur sûre pour une lecture plaisir, de détente.
@Lou: désolé de te répondre si tard, mais je ne renoue qu’aujourd’hui avec ce blog que j’ai délaissé un peu ces dernières semaines. C’est peut-être un problème de traduction,
mais j’ai peur que ce soit plus “grave”… je vais essayer Pierre de lune pour voir si entre Wilkie et moi, c’est un problème d’incompatibilité d’humeur ou non 🙂
Tu n’as pas tort sur un point : Wilkie a un côté littérature de gare, ou block-buster à effets spéciaux, qui est très éloigné des oeuvres d’un Henri James ou d’une Wharton.
Je trouve ses romans très divertissants, mais ce ne serait pas ceux que je sauverais en premier d’un incendie.
@Céline: je les sauverai de l’incendie! ce sont quand même des livres…
Je n’ai pas aimé “La Dame en blanc”, celui-ci semble ne pas faire l’unanimité, mais j’ai vraiment beaucoup aimé “Pierre de lune”. Je croise les doigts pour que tu aies la même révélation.
@Lilly: décidément, Pierre de lune fait l’unanimité.
@Titine : Ce roman ne vaut pas La dame en blanc du même auteur qui prend davantage le temps d’installer son histoire, son atmosphère et ses personnages (le nombre de pages n’est pas le même non
plus) mais on appréciera l’intrigue bien menée et l’écriture de Collins et son sens du détail.
Drôle de revenir lire ton billet et de retrouver mon ancien commentaire. Je n’ai toujours pas lu Wilkie Collins, je ne suis toujours pas convaincue par cet auteur. En attendant, je poursuis mon exploration d’Henry James et d’Edith Warton. Leurs nouvelles sont souvent réussies.