Thomas HARDY: Sous la verte feuillée

Thomas HARDY: Sous la verte feuillée

Dans le Wessex, ce sud imaginaire de l’Angleterre servant de cadre aux romans de Thomas Hardy, le village de Mellstock offre le spectacle d’une paisible contrée. La vie s’y partage harmonieusement entre le travail et l’office du dimanche. L’arrivée d’une nouvelle institutrice, Fancy Day, et d’un nouveau vicaire pour la paroisse ne va pas tarder cependant à précipiter la petite communauté dans le jeu tourbillonant de passions nouvelles…

J’ai déjà dit, dans d’autres billets, tout le bien que je pense de Thomas Hardy, dont je continue à explorer l’oeuvre avec plaisir. Bien sûr, ce roman de jeunesse n’est sans doute pas le meilleur de son auteur. Ce n’est en tout cas pas celui que je conseille pour découvrir cet auteur, bien qu’il ne soit pas sans charmes. La trame y est encore un peu simple. Les personnages, tout en offrant déjà ce caractère particulier des grands personnages de Thomas Hardy, sont peut-être encore un peu trop esquissés. L’évocation d’une nature évoluant au fil des saisons et servant de cadre à la vie d’une petite communauté rurale offre déjà quelques belles lignes, mais dont la puissance poétique ne s’épanouira que dans les oeuvres suivantes. Bref, on est encore loin des Forestiers, que je tiens toujours pour l’oeuvre majeure de Thomas Hardy. Sous la verte feuillée reste cependant comme l’une de ces touches mineures, délicieuse par bien des aspects, d’un auteur majeur, dont on aurait tort de bouder la lecture donc.

Le portrait truculent de la petite communauté villageoise est sans doute l’un des traits les plus réussis du roman. Réunis depuis des temps immémoriaux pour accompagner de leurs chants les célébrations à l’Eglise, les violons et les chanteurs du village voient leur rôle brusquement remis en cause par le nouveau vicaire qui choisit de faire installer un orgue pour accompagner l’office. Et cela fait parler… Le verbe est haut, fort, populaire. Un délice.

En contrepoint de cette première histoire, collective, Thomas Hardy offre avec Fancy Day et son amoureux Dick l’un de ces couples de roman dont son oeuvre future sera riche encore. Être simple et rustique, aimant d’un amour sans dissimulation, le jeune charretier Dick est à l’image de ces natures franches qui annoncent déjà le berger Gabriel Oake de Loin de la foule déchaînée. A la fois pudique et coquette, Fancy est un de ces beaux personnages féminins que sait décrire Thomas Hardy, laissant en définitive son mystère, c’est-à-dire toute sa profondeur, à la jeune fille qui se retrouve, le temps du roman, au centre des désirs de plusieurs jeunes hommes, Dick bien sûr, mais aussi le pasteur Maybold ou un riche fermier du village. Un peu troublée sans doute par les désirs qu’elle provoque, aimant bien plaire et sentir le regard que d’autres posent sur elle (et qu’elle assume jusqu’au plaisir de porter une robe de mousseline à l’église!), à cheval entre les deux mondes d’une origine rurale et d’une éducation qui l’élève, Fancy, tout en offrant son coeur au jeune Dick, accepte les compliments de ses autres courtisans, menace même un temps de céder à leur avance, sauvant pour ainsi dire sa liberté dans ce monde campagnard truculent sans doute, mais facilement corseté par des représentations traditionnelles, qui confond aisément mariage et droit de propriété.

Au développement des passions humaines, l’évocation d’une nature omniprésente que la plume de Thomas Hardy suit au fil des saisons offre dans le même temps un autre contrepoint, poétique, ponctué de la description des activités humaines – « percée » du cidre, recolte du miel, cueillette des noisettes, etc. – qui est le dernier charme de ce roman, mais non le moindre.

Bref, une agréable lecture pour ce mois de février où j’alterne Ivan Tourgueniev et Thomas Hardy, deux auteurs qui me tiennent tout particulièrement à coeur.

6 réflexions sur « Thomas HARDY: Sous la verte feuillée »

    1. Ce n’est peut-être pas le meilleur pour découvrir cet auteur que je trouve plus puissant ailleurs. Mais si tu es atteinte comme moi par le virus Hardy 😉 tu devrais passer un agréable moment et retrouver ce que nous aimons chez ce romancier. En plus, la couverture donne très envie…

  1. J’ai lu avec grand intérêt ton article ( comme le précédent ) et je suis ravie de ce que tu écris des Forestiers. C’est celui que j’ai choisi de lire, n’ayant jamais lu T.Hardy ( ne l’ayant même approché que par l’adaptation cinématographique de Tess d’Uberville ).

  2. Après avoir lu le billet qui y est consacré, je note plutôt le titre des « Forestiers » pour renouer avec cet écrivain que je n’ai plus abordé depuis longtemps.

    1. Oui, « Les Forestiers » est son meilleur roman, je trouve, du moins parmi ceux que j’ai lu. Mais il me reste encore des romans majeurs de Thomas Hardy à découvrir, notamment « Jude l’obscur »

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