Donna LEON:Entre deux eaux (Brunetti, 05)

Publié par Cléanthe le

Venise est saisie par l’hiver et l’acqua alta commence à gagner les rues lorsque le commissaire Guido Brunetti, apprenant l’agression d’une archéologue américaine, décide de se rendre de lui-même à son chevet. Brett Lynch, spécialiste d’art asiatique, a été violemment attaquée dans son appartement après s’être intéressée de trop près à certaines antiquités chinoises auxquelles elle a consacré une exposition dans un grand musée vénitien. L’affaire pourrait rester discrète. Mais lorsque le conservateur en chef du musée est retrouvé mort, l’enquête bascule et révèle l’ampleur d’un trafic où le prestige culturel masque des violences bien réelles…

Le challenge Un hiver polar est l’occasion de renouer avec une série laissée de coté depuis trop longtemps, celle du Commissaire Brunetti, flic vénitien discret et humain progressant avec une lucidité melancolique dans une Venise gagnée par les heurts et malheurs du monde contemporain.

Dans Entre deux eaux, Donna Leon privilégie une intrigue feutrée, centrée sur le trio Brunetti et le couple que forment l’archéologue Brett Lynch et la cantatrice Flavia Petrelli, pour lesquelles l’enquêteur ne tarde pas à se lier d’amitié. Bien sûr, comme dans les autres romans de la série, l’intérêt n’est pas à rechercher dans l’intrigue, somme toute assez classique. Au fil de conversations prudentes, de résistances institutionnelles, de compromissions tacites, l’enquête avance par touches successives. Car les Enquêtes du commissaire Brunetti sont d’abord des romans d’ambiance, explorant des milieux: ici, le monde des musées et des experts qui, loin d’être idéalisé, apparaît comme un espace ambigu, où la défense du patrimoine se confond avec la dissimulation.

Mais, par dessus tout, Venise, toujours, impose son rythme. La ville inondée, ralentie par l’eau qui envahit les rez-de-chaussée, devient la métaphore exacte de cette affaire engluée dans les zones grises. Entre le licite et l’illégal, entre savoir et pouvoir, entre justice et renoncement, Brunetti, fidèle à son éthique modeste, observe plus qu’il ne juge, conscient des limites de son action. Entre deux eaux s’impose ainsi comme l’un des romans tout particulièrement amers de la série. Donna Leon y interroge la valeur morale de la culture lorsqu’elle se nourrit de pillages lointains et d’arrangements locaux. Un polar discret, sans effets, où la montée des eaux rappelle que ce qui repose sur des fondations fragiles finit toujours par remonter à la surface. Ce n’est pas le polar du siècle, mais j’aime bien cette serie avec laquelle on passe de bons moments

« Pour les non-vénitiens. Venise est une ville ; ses habitants, eux, savent bien que la Sérénissime n’est qu’un gros bourg assoupi, où l’on est curieux et friand de commérages et où l’étroitesse d’esprit est la même que celle qui règne dans les patelins perdus de la Calabre ou de l’Aspromonte. »

Donna LEON : Entre deux eaux (Acqua Alta, 1996)

Un billet publié à l’occasion du challenge Un Hiver polar proposé par Alexandra du blog Je lis, je blogue


1 commentaire

Alexandra · 29 décembre 2025 à 16 h 47 min

Ton résumé donne très envie de découvrir cette série. Je pense avoir lu au moins 1 tome mais peut-être pas le premier. Je vois qu’il y a quand même une trentaine de volumes ! Je garde donc la série en tête mais je vais d’abord finir mes séries en cours. Merci pour cette nouvelle proposition.

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