Ed McBain: Du balai! (87ème District, 1)

Ed McBain: Du balai! (87ème District, 1)

McBain 1A Isola, double littéraire de New-York, les policiers du 87ème District sont en alerte, depuis qu’un mystérieux tueur semble avoir décidé d’éliminer l’un après l’autre une partie des inspecteurs du commissariat. Dans la chaleur étouffante de l’été, c’est donc une partie dangereuse qui commence. Rapidement, l’enquête s’oriente vers un ancien malfrat qui aurait eu des démêlés avec la police, une sorte de vengeur, qui chercherait à se faire justice. Mais n’est-ce pas le propre des enquêtes de romans policiers que de jouer habilement des fausses pistes ? Et les enquêteurs, au premier rang desquels l’inspecteur Carella, qui semble avoir son idée personnelle sur l’affaire, n’auraient-ils pas intérêt à s’intéresser d’un peu plus près aux proches des policiers assassinés?

Depuis le temps que les volumes de cette série, dont l’intégrale a été rééditée par Omnibus, me regardaient, sur les rayonnages de la Médiathèque ! Voilà, enfin, j’y ai plongé… et je ne suis pas prêt d’en ressortir, je crois. Au départ de ces 87ème District que développa Ed McBAin sur plusieurs dizaines de romans et plusieurs décennies, il y a en effet une idée géniale : « faire d’une brigade un héros collectif », « décrire avec précision la journée de travail des flics de grande ville et créer une demi-douzaine de personnages dont la personnalité et les traits de caractère variés formeraient, en se conjuguant, un héros unique. » Le résultat est convaincant, tellement on prend plaisir, à mesure qu’on avance dans la série, à retrouver ces personnages qui ne se découvrent que peu à peu. Certains arrivent, sont promus, d’autres partent, ou sont tués. Tout cela, bien sûr, rappelle les séries télévisées. Mais voilà justement, en 1956, quand Ed McBain publie le premier volume de ses 87ème District, il est un précurseur. C’est bien une forme nouvelle de narration populaire qu’on le voit inventer. Et ceci – suivre, de romans en romans, le développement d’une forme nouvelle en train de se créer – est passionnant.

Un commissariat donc, des inspecteurs : leurs conceptions différentes du métier (il y a le « gentil », la « brute », le « bleu »), l’arrière-plan de leur vie personnelle donnent aussi de l’ampleur à ces histoires qui, en renouvelant justement la narration traditionnelle des romans policiers (un enquêteur face à une enquête) donne un portrait saisissant du New-York des années 50 à 90, dont on reconnaît facilement le motif sous la ville d’Isola où est sensée se dérouler l’action de ces romans. L’intrigue elle-même de ce premier volume reste assez traditionnelle cependant. L’intrigue secondaire (le développement des gangs de rues dans le New-York des années 50) est plus intéressante. Le réalisme tient ici à cette représentation sociale, presque sociologique des formes nouvelles de la délinquance, à un portrait sans concessions des policiers de l’époque, aux rapports tendus qui transparaissent entre les différents services de police et aux récits des événements personnels de certains inspecteur, ainsi dans ce volume Steve Carella, qu’on trouve sur le point de se marier avec une jeune femme sourde et muette.

Bref, j’ai passé tout le mois dernier (où j’ai été bien absent de la blogosphère) plongé dans les romans de cette série. Ce n’est d’ailleurs pas trop difficile. J’ai lu chaque volume en pratiquement une journée. Et pendant tout un mois, je ne vous dit pas alors avec quel plaisir j’ai vu se développer devant moi, de roman en roman, comme une histoire de l’Amérique, dont ce 87ème District est pour ainsi dire la fresque déroulée depuis un commissariat urbain d’une grande ville. Tout cela aidé par le ton souvent décalé de l’auteur, qui appuie avec humour là où cela fait mal, et une plume volontiers humaniste. Bref, vous l’aurez compris, cette série est à lire absolument.

6 réflexions sur « Ed McBain: Du balai! (87ème District, 1) »

  1. Ça fait un paquet de livres ! La façon dont tu les décris me rappelle Sjöwall et Wahlöö, très bonne petite série suédoise pour quand tu en auras marre de New York. 😉

  2. @Karine: c’est génial! Et tu n’as pas fini d’entendre en parler sur mon blog. Je lis les romans de cette série à la suite depuis début novembre. Un vrai régal. Et il y a près de
    70 romans!

  3. J’ai les trois premiers volumes sur mes étagères (j’adore l’auteur), l’idée étant de lire ça dans l’ordre car jusqu’ici je lisais une histoire par ci par là. Mais j’avoue en être à la moitié du
    premier…Il faut se reprendre!

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