Clément Cogitore

Clément Cogitore

Retour de vacances où, comme d’habitude, je vois, lis et fait plein de choses, mais où j’éprouve tant de mal à tenir mon petit carnet de lectures à jour. Parmi les belles expériences de ces 15 derniers jours, l’exposition Clement Cogitore, à la Base sous-marine, à Bordeaux, un lieu dont j’avais déjà dit beaucoup de bien cet été. Sous la pluie bordelaise de ce 24 décembre, la friche d’où émerge le beau lieu d’exposition méritait à elle seule la visite, pour qui apprécie la poésie particulière des environs portuaires. Une forme d’urbanité bien adaptée justement au travail de Clément Cogitore.

Cogitore est un cinéaste qui réalise des films sortis en salle. C’est aussi un vidéaste travaillant comme ici à des installations où l’image filmique renvoie de façon récurrente aux conditions de sa production et à une forme de ritualisation pouvant rejoindre à l’occasion la question du sacré. Ainsi, le très beau Passages, une vidéo de 4 min, de 2006, qui dans un traveling traversant un lieu architectural énigmatique finit par révéler des statues puis un banquet qui pourrait être une Cène, soulignant la parenté des rituels de la liturgie et de ceux du cinéma. Une sorte de mystique de l’image, de ses révélations, de ses mystères.

Plus minimaliste, Travel(ing) (2005) visionne sur l’arrière d’un camion filmé de nuit le long d’une route le même itinéraire vu de jour, cependant que le visiteur de l’exposition s’invite lui-même dans l’image sous la forme d’une projection de sa propre silhouette par un jeu subtil d’ombres chinoises qui viennent à la fois révéler la présence du spectateur sans lequel rien n’existerait et boucher la représentation.

A la limite de la photographie, Porteur (2004) propose quelque chose comme une image fixe, presque immobile: un homme porte sur ses épaules une sorte d’ecran-totem. Le léger bougé de la figure, le tremblement au ralenti de l’image donne à tout cela la forme d’une sorte de flottement hésitant entre la réalité et le rêve.

D’autres œuvres de Cogitore sont à voir dans l’exposition. Mais rien ne résume sans doute mieux sa recherche que le beau travail sur Les Indes galantes de Rameau réinterprétées à la lumière du Krump, une danse urbaine inventée suite aux émeutes urbaines de Los Angeles à la fin des années 90. Théâtre et cinéma, tensions du corps dansé et du corps révolté, avec en ligne de mire la question de l’ethnocentrisme et de l’exotisme qui se prolonge jusque dans la condition sociale des populations issues de certaines régions du monde dans les quartiers des grandes villes occidentales – autant de questions qui, croisant l’histoire et la géographie, traversent le beau ballet filmé par Cogitore.

Expo Clément Cogitore, La Base sous-Marine, Bordeaux, du 15 octobre 2019 au 5 janvier 2020

3 réflexions sur « Clément Cogitore »

  1. J’avoue que de mon coin paumé je ne connais pas le travail de Cogitore, ou plus exactement je ne connaissais pas, ni le krump, ni tout ça, mais comme j’aime Rameau (et certains interprètes à l’opéra) j’ai cassé ma tirelire pour Les indes galantes à Bastille. Après je suis sortie de ma grotte pour découvrir qu’il y avait les pour, les contre, moi je m’en moque, et j’ai passé un bel après-midi (coin paumé = matinées de préférence). Là avec ce billet je me suis refait un petit peu de danse des sauvages…

    1. J’aurais bien aime voir ce spectacle à Bastille. Mais la vidéo qu’en tire Cogitore n’est pas mal non plus (tout ce jeu à la camera sur immersion/représentation que pour le coup on ne peut avoir qu’au cinema)

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