Thomas Hardy: Poèmes du Wessex et autres poèmes
Difficile d’imaginer que Thomas Hardy, cet immense écrivain, fut un homme petit, timide, souvent triste, dont l’accent rocailleux soulignait les origines paysannes, menant une vie austère, marié deux fois, mais sans enfant. Je ne suis pas sûr que la rencontre avec Thomas Hardy eût été des plus séduisantes. En tout cas pas pour vider quelques bocs de bière ou évoquer les joies de la bonne chaire ou de la paternité. Mais quel grand écrivain ! Un des tout premiers de la litterature anglaise à mon sens. J’ai parlé plusieurs fois ici de ses romans, que j’apprécie tout autant pour la beauté de leurs personnages que pour l’évocation sensible de belles descriptions poétiques. Car Thomas Hardy, c’est d’abord une langue, un style.
J’avais depuis longtemps envie de remonter à la source de cette inspiration poétique. C’est maintenant chose faite. Sous le titre de Poèmes du Wessex et autres poèmes, le volume de Poésie/Gallimard est en réalité un choix de textes issus de trois des principaux recueils poétiques de l’auteur: Poèmes du Wessex (1898), Poèmes d’hier et d’aujourd’hui (1901) et La Risée du temps (1909).
Ce n’est pas une mince affaire pourtant que de résumer un recueil de poèmes. Dans mon précédent billet, j’ai essayé d’en donner un échantillon avec l’un des textes illustratifs de la lumière de Thomas Hardy. Fortement marqué par le pessimisme de l’auteur, plus prégnant ici encore que dans les romans, le grand sujet est à l’évocation paradoxale des amours, souvent défuntes qui font de Hardy sans doute l’un des maîtres de la poésie élégiaque. De cette moisson de textes, je retiens quelques poèmes qui m’ont touché un peu plus que les autres: A Lizbie Browne est une chansonnette triste sur les regrets d’un amoureux qui ne sut jamais se déclarer; San Sebastian une évocation terrifiante du viol en temps de guerre et de l’impossible retour aux joies sereines de l’existence; Une épouse à Londres, l’annonce de la mort d’un mari à la guerre sur fond de paysage londonien; Minuit d’août, l’évocation d’un soir d’été et de ses insectes, poème presque japonais, dans la manière d’un Sôseki par exemple; Automne au parc royal d’Hintock, une variation sur le thème de la fuite du temps.
Dis comme cela, je ne sais pas si cela fait très envie. Mais il ne faut pas négliger la forme poétique – c’est le génie des poètes élégiaques – qui sait redonner vie et humanité, c’est-à-dire une forme de beauté tout simplement, à ce que le temps et les malheurs n’auront pas épargné. Un bien beau recueil donc, qui fait entrer dans l’oeuvre plus intime, moins connue du grand romancier anglais.
4 réflexions sur « Thomas Hardy: Poèmes du Wessex et autres poèmes »
Il n’est vraiment pas facile de chroniquer un recueil poétique. Je m’y suis essayée, cela fait longtemps que je n’ai plus pratiqué. Je trouve que tu réussis à partager ton bonheur de lecture tout en le contextualisant. Comme je te le disais dans ton précédent billet, cette découverte m’intéresse mais je crois qu’il vaut mieux que je lise T.Hardy romancier d’abord. Et tu m’invites à ne plus laisser traîner cette envie.
Oui, lis le romancier d’abord. J’espère que ce sera une belle découverte pour toi.
Concernant les recueils de poèmes, je trouve ça dommage de ne pas leur donner la place qu’ils méritent dans nos blogs, alors que pour moi, en particulier, je ne sais pas si c’est pour tout le monde comme ça, la poésie est ce qui résiste, même lorsque je n’ai plus l’esprit à lire (ça arrive dans les moments difficiles de la vie), ce à quoi je sais en tout cas pouvoir m’adosser quoiqu’il arrive. C’est pour ça que vais essayer d’un peu plus en parler ces temps-ci.
Merci pour l’extrait précédent et la sensibilité avec laquelle tu parles de ce recueil poétique. Comme Marilyne, je souhaite lire d’abord le Thomas Hardy romancier. Le seul roman que j’ai lu de lui est “Tess d’Urberville” quand j’avais 15 ans, et quel souvenir impérissable !
Je suis sûr que tu vas adorer le Thomas Hardy romancier.