L’intendant Sansho (MIZOGUCHI Kenji)
“XIe siècle. Un gouverneur de province est exilé pour avoir pris le parti des paysans contre l’avis d’un chef militaire. Contraints de reprendre la route de son village natal, sa femme Nakagimi et ses enfants Anju et Zushio sont kidnappés par des bandits de grand chemin. Nakagimi est déportée sur une île, tandis que les enfants sont vendus comme esclaves à l’intendant Sansho, un propriétaire cruel.”
Autant que je prévienne tout de suite: je suis un inconditionnel de Mizoguchi, depuis le choc esthétique qu’ont représenté pour moi, il y a 25 ans, Les contes de la lune vague après la pluie, adaptés d’un chef d’oeuvre de la littérature japonaise du XVIIIIe siècle, qui avait été déjà un des grands plaisirs de lecture de mes années d’étudiant. Enfin, c’est un peu plus compliqué peut-être. A 25 ans, je me rappelle avoir disserté longuement, au cours des soirées interminales de discussion que je faisais à cet âge, sur les mérites respectifs de Kurosawa, Ozu et Misoguchi. Et à l’époque je choisissais Ozu. A près de 50 ans, je ne distingue plus. Et je considère Mizoguchi, comme un des sommets du cinéma japonais, je devrais dire du cinéma tout court, à côté d’Antonioni, de John Ford, de Renoir et de Kubrick, sans lesquels je ne peux pas imaginer passer un mois de cinéma.
Pourtant, il faut dire que j’ai bien failli rater la retrospective qui cet été consacre à cet auteur majeur quelques belles heures de cinema. Des vacances bordelaises, plus plastiques que cinématographiques, ont presque failli avoir raison de ma passion pour le cinéma de Mizoguchi. Heureusement, je me rattrape ces jours-ci. Première étape aujourd’hui avec le sublime Intendant Sansho. Quel grand film! La beauté des cadrages, des plans poétiques qui rappellent les plus belles planches d’un Hiroshige, et un humanisme à fleur de récit sont les qualités de ce chef d’oeuvre de Mizoguchi. Ça ne se raconte pas. Merite d’un grand film. Ça se voit! Et je ne peux que vous inviter à voir ce chef-d’oeuvre où l’humanisme du cinéaste trouve dans une esthétique de la fragilité, je devrais presque dire de la compassion, grand thème social et politique de ce film, un discours à la mesure de son génie.