Michel TREMBLAY : Un ange cornu avec des ailes de tôle
“Dans ma famille, la légende veut que dès mon plus jeune âge on m’ait vu me promener dans la maison avec un livre serré contre ma poitrine. Les légendes interprètent à leur façon des faits parfois bien insignifiants; celle-ci en est un exemple probant: à partir de deux ou trois ans, je me suis promené dans la maison avec un livre serré contre ma poitrine tout simplement parce que j’étais le commissionnaire de ma grand-mère Tremblay.” Enfant d’origine modeste du quartier du Plateau-Mont-Royal, à Montréal, Michel Tremblay a grandi parmi les livres. La Comtesse de Ségur, Jules Verne, Tintin, Victor Hugo. Une famille simple et aimante. Des dialogues truculents. Entre les mots – ceux des livres aimés, ceux des amis et des parents aussi, un bout d’histoire reprend vie, un quartier, les goûts et jours d’une jeunesse, un morceau de la vie du Québec, ce petit canton de culture francophone perdu dans un continent anglophone. Particulier, évidemment particulier, comme le sont tous les grands écrivains nord-américains, et si universel aussi.
Je cherchais depuis quelque temps par quel livre entrer dans l’oeuvre de Michel Tremblay. Les Chroniques du Plateau Mont-Royal, gros volume de six romans qu’Actes Sud a réunis, me semblaient un peu trop volumineuses justement pour un premier contact. J’ai découvert ensuite l’existence du Gay Savoir et de La Diaspora des Desrosiers, ses deux autres cycles romanesques. Mais je suis resté au seuil de la couverture là encore, me promettant, chaque fois que j’entendais parler de Michel Tremblay sur un blog, d’essayer un jour de découvrir cet auteur.
Le billet de Valentyne, à qui je dois un grand merci pour cette découverte, a été le déclencheur. Elle parlait de ce très beau récit, au titre un peu étrange, sorte d’autobiographie par les livres. Elle nommait les livres qui ont compté pour l’auteur: L’Auberge de l’ange gardien, Tintin au Congo, Les Enfants du capitaine Grant, Notre-Dame de Paris… J’y retrouvais les mots, les romans, les impressions de mon enfance, de mon adolescence, et surtout cette chose unique d’avoir grandi, comme l’auteur, dans un milieu modeste, mais qui aimait les livres… Bref, j’ai laissé planté en plein milieu le polar dont les 300 premières pages avaient pourtant réussi la veille à retarder très tard le moment de me mettre au lit. Un saut à la médiathèque. Il me fallait retrouver à tout prix cet autre moi-même d’une autre génération et d’outre-atlantique!
J’ai lu le livre d’une traite, ou presque, entre hier soir et ce matin. J’y ai retrouvé ce plaisir évidemment qu’on prend, quand on aime les livres, à lire un livre sur les livres. Je me suis amusé à y retrouver d’autres coïncidences avec ma propre vie: comme Michel Tremblay, je me fabriquais, enfant, une cabane avec les coussins du canapé sous laquelle j’aimais à me réfugier pour lire! Pour avoir publié il y a quelques années pour la première fois un livre, qui n’était pas cependant un roman ou un recueil de nouvelles, comme lui, mais une anthologie de romans d’un romancier anglo-americain qui me tient à coeur et dans quoi j’ai mis beaucoup de moi – une sorte de prolongation de ce blog, j’ai retrouvé ce mélange bien particulier que tout auteur éprouve quand il se voit publié et sur quoi se finit le récit de Michel Tremblay.
Mais au-delà de ces coïncidences, j’ai l’impression surtout d’avoir découvert un auteur, à la langue truculente, maniant la provocation avec subtilité (ah, la scène mémorable de Victor Hugo opposé aux pères de l’école chrétienne que Michel Tremblay fréquente, et la réaction du curé obligé d’interrompre sa partie de hockey pour confesser en urgence l’adolescent qui vient d’avouer en classe avoir lu Notre-Dame de Paris – cependant que Michel, déjà sûr de son orientation sexuelle, ne reste pas indifférent à l’allure du beau curé sportif! Ce chapitre est un délice).
Bref, je découvre enfin cette voix singulière, à la fois francophone et américaine. Un bel et grand écrivain. Nul doute que je ne reparle bientôt de ses romans ici.
Et une belle façon de partager un peu de ce mois québécois organisé par Karine et Yueyin.
20 réflexions sur « Michel TREMBLAY : Un ange cornu avec des ailes de tôle »
Hello 🙂
Contente que cette découverte t’aie autant plu 🙂
Le chapitre avec Victor Hugo est effectivement très drôle 🙂
Je vais me renseigner sur « Les Chroniques du Plateau Mont-Royal »
Bisessss
J’ai déjà mis le premier volume des “Chroniques” sur la liste de mes livres à lire et posé une réservation à la bibliothèque. 😉 Il ne reste plus qu’à attendre qu’il soit de nouveau disponible. 🙂
Je l’ai découvert avec “les bonbons assortis” qui m’avait beaucoup plu ; je poursuivrai bien avec le titre que tu présentes aujourd’hui.
J’ai hâte de voir ce que tu en auras pensé.
J’ai découvert l’auteur avec ce titre, mais hélas n’ai pas continué. Il me faut le relire…
Je ne pense pas abandonner cet auteur de sitôt. Sans doute est-ce la truculence aussi de cette voix francophone d’outre-atlantique.
vrai que c’est une voix singulière, je ne l’ai pas beaucoup lu mais toujours avec grand plaisir
je note ce titre que j’ignorais car ton plaisir est manifeste
Ah oui, apres Mauriac et quelques autres livres pas encore chroniqués qui ont joué un peu comme une ascèse du plaisir ces dernières semaines, Michel Tremblay est une libération!
Ce livre sur les livres a l’air bien délicieux ! Tu l’as dévoré comme on dévorait justement les aventures de Jules Verne ou de la Comtesse de Ségur quand nous étions enfants (avec une lampe torche sous ma couette la nuit, pour ma part !) J’apprends que tu as publié un livre et cela titille ma curiosité 🙂 Peut-on connaître son titre ? En tout cas, en voilà une jolie découverte, et le fait que l’auteur soit québécois la rend encore plus attrayante.
Je t’envoie la référence du livre par e-mail. Cléanthe aime à garder son jardin secret 😉
Quel titre, en effet ! J’ai lu aussi un roman de lui dont le titre n’est pas mal “L’homme qui entendait siffler une bouilloire” et que j’ai aimé, Vu aussi, une pièce de Théâtre au festival : “A toi pour toujours, Marie- Lou” que j’avais aimée.
Un romancier anglo-américain, mais qui ce peut-être ? Je suis curieuse !
Bon, allez, je crois que j’en ai trop dit 😉 : Henry James. Mais je n’en dirai pas plus. 🙂
J’ai commencé ces chroniques de Tremblay et c’est un régal. A conseiller vivement.
J’ai très envie de m’y lancer!
C’est clairement par ce titre qu’il faut découvrir Tremblay ! Je l’ai lu, offert, prêté, un grand succès. Et oui, la scène autour de Hugo est formidable.
Je pense que je ne vais pas en rester là. C’est une belle découverte.
Contente de voir que la découverte de cet auteur “classique” t’aille plu. TU me rappelles que je dois continuer ma découverte de l’auteur, puisque je n’ai toujours pas lu celui-ci.
Je dois avouer que j’étais complètement ignorant de ce qui s’écrit au Québec, et la découverte de ce “classique”, comme tu dis, donne envie en effet de découvrir plus encore de cet auteur et de la litterature québécoise peut-être plus contemporaine encore.
“Quand on aime les livres sur les livres” : je vais évidemment essayer de trouver cette voix singulière et son “Ange cornu avec des ailes de tôle”. Merci de le mettre en avant.
J’espère que ce sera une belle découverte…