Henry JAMES: Pauvre Richard
Miss Gertrude Wittaker, jeune héritière à la tête d’une grande fortune, est la muse de la région. Au point que son intimité avec le jeune Richard Maule, paysan balourd et ivrogne surprend. Mais Richard est amoureux de Gertrude, même si Gertrude refuse ses avances. Aimant secrètement le capitaine Severn, Gertrude va tout faire cependant pour rapprocher les deux hommes…
Voici une histoire typiquement américaine: c’est parce qu’ils ont fréquenté démocratiquement les bans de la même école, que miss Wittaker et Richard se connaissent. Mais construit-on des histoires d’amour sur ce fonctionnement démocratique d’une société? Et que deviennent nos amours dans un monde où l’égalité apparente des citoyens et leur inégalité de fait conduit à biaiser le rapport des relations et des sentiments? Gertrude aime le capitaine et est aimée par lui. Mais sur le marché de l’amour, c’est-à-dire du mariage, tous les coups sont permis. L’alliance contre nature de Richard et du commandant Luttrel pour cacher à Gertrude les derniers mots de son amant est aussi un marché de dupe dont Richard est victime.
C’est pour l’instant celle des nouvelles que j’ai le moins aimé, même si, dans le détail, l’art de James demeure très subtil. Richard est une solide figure d’idéaliste qui se nourrit de son intimité avec la terre et croit en son pouvoir de supprimer les barrières sociales. Mais Richard est aussi un ivrogne indiscipliné, un homme qui utilise le mensonge dans la lutte qui l’oppose à Severn pour conquérir le coeur de Gertrude, et trouve un allié temporaire dans la personne d’un coquin, le commandant Luttrel, personnage sans scrupules. C’est la figure d’un rebelle, prompt à souligner par son destin les illusions du rêve américain, mais qui finit par rentrer dans le rang, en renonçant à son amour au moment où il devient possible et en se mettant au service d’un fermier et de l’idéal chimérique d’accumuler un pactole pour partir un jour vers l’Ouest.
auto-challenge Henry James. : n°6