Août 2025 – Escapades européennes : Récits de voyages en Europe
Après l’immobilité des cimes et le silence des sommets, août a redonné des jambes – et des roues – à notre challenge littéraire. Le thème du mois, « À pied, à cheval, en voiture ou en train – Récits de voyages en Europe », invitait à suivre les écrivains-voyageurs dans leurs périples, qu’ils soient lents ou fulgurants, contemplatifs ou périlleux. Et une chose est sûre : les participants ont répondu à l’appel du large avec brio, en ressortant vélos, ânes, locomotives, et même quelque Grand-bi Rudge rutilant.
Qu’ils partent sur les routes de l’exode, à la recherche de l’inconnu ou simplement de la beauté du monde, les écrivains du mois ont sillonné le continent avec une étonnante diversité d’approches. À chacun son rythme, son mode de transport, son regard. Parfois, c’est le voyage qui fait le récit ; parfois, c’est l’Histoire qui s’invite sur les chemins. Mais toujours, le déplacement devient une forme d’exploration de soi, des autres, du monde.

À bicyclette sous les bombes : Douce France d’Andrzej Bobkowski
En lançant le thème de ce mois-ci, j’avais une petite idée derrière la tête: pouvoir decouvrir enfin un auteur polonais qui me tente depuis pas mal de temps. Douce France, journal de route d’Andrzej Bobkowski à bicyclette durant l’été 1940 ne m’a pas déçu. Tandis que la France vit l’effondrement, Bobkowski pédale à contre-courant, loin des grandes routes et des discours. À travers une écriture vive et désenchantée, il célèbre la beauté d’un pays qui s’effondre, et la liberté d’un homme qui continue à penser, à observer, à aimer. Une grande voix venue de Pologne, pour une traversée lucide et lumineuse.
À la même époque, d’autres fuient : Paroles d’exode de Jean-Pierre Guéno
Ta d loi du ciné, fidèle à ses approches singulières, s’est penché sur l’exode de 1940 avec Paroles d’exode, un recueil de témoignages compilés par Jean-Pierre Guéno. Vélo, guimbarde, voiture attelée ou train inexistant : l’Europe en guerre, ce sont aussi des foules déplacées, ballottées, effrayées, souvent sans destination claire. À travers cette mosaïque de récits, l’histoire se dit au ras du bitume, entre poussière, sirènes et mémoire familiale.
Autre combat, autre vélo : Zola à bicyclette, chronique de l’émancipation
Ingannmic nous offre une respiration plus légère – et pourtant chargée d’histoire – avec un court texte sur Zola, cycliste passionné. Dans la France de la fin du XIXe siècle, l’auteur des Rougon-Macquart se lance sur les routes pour fuir ses angoisses et ses doubles vies. Le vélo, encore balbutiant, devient pour lui moyen de liberté, d’évasion et de modernité. Un récit charmant, au ton enlevé, qui retrace les débuts de la petite reine… et du tourisme à deux roues.
Itinéraire littéraire et ironique : Voyage avec un âne dans les Cévennes de Robert Louis Stevenson
Chez Je lis, je blogue, l’étape est bucolique et pleine d’humour, avec Voyage avec un âne dans les Cévennes de Stevenson. L’auteur écossais, en pleine crise sentimentale, part avec Modestine sa fidèle ânesse pour une marche (presque) contemplative. Il en tire un journal tout en autodérision, peuplé de dialogues savoureux avec les paysans, d’observations mordantes, et d’éblouissements devant la nature. Plus qu’un itinéraire, une leçon d’ironie tranquille face aux aléas du voyage.
En voiture, Edith ! : La France en automobile d’Edith Wharton
Nathalie, qui était partie un peu plus tôt, nous emmène en voiture au début du XXe siècle, à bord de la rutilante automobile d’Edith Wharton. Dans La France en automobile, la grande dame des lettres américaines sillonne les petites routes, évitant les gares et les grandes villes, à la recherche d’une France médiévale, pittoresque, presque immobile. Un voyage d’esthète, un peu rapide sans doute, mais qui dit bien l’enchantement de voir défiler les paysages dans un mouvement doux et continu. L’automobile y apparaît comme une révolution du regard, avant même d’être un confort.
Mozart sur la route : Le Voyage à Prague d’Eduard Mörike
Tullia, fidèle aux textes allemands (lus en VO) et à la belle langue, a choisi de suivre Mozart dans une halte en Bohême, dans Le Voyage à Prague d’Eduard Mörike. Plus qu’un récit de route, c’est une rêverie, une soirée suspendue, une conversation avec le génie musical. Dans un style somptueux, Mörike saisit les émois, les élans, la lumière et la mélancolie d’un Mozart encore vivant mais déjà ailleurs. Une partition littéraire tout en grâce et en contrepoint.
Voyage d’ombre et de frontières : Aux frontières de l’Europe de Paolo Rumiz
Le récit de Paolo Rumiz, lu par Keisha et Je lis, je blogue, trace une diagonale de l’Europe d’est en ouest, du nord au sud. En train, à pied, en bateau, le journaliste italien longe les anciennes frontières de la guerre froide, mêlant géopolitique, géographie et humanité. Pays baltes, Ukraine, Biélorussie, Carpates, Turquie…: à chaque étape, des récits, des visages, des tensions. Un voyage de terrain, engagé, inquiet, souvent poétique, où l’on sent encore battre le cœur d’une Europe multiple et fragile.
Merci encore une fois à toutes et tous pour vos lectures et ce partage! Ce mois d’août a fait souffler un vent d’aventure sur nos Escapades en Europe. Du cliquetis des roues de vélo aux cahots de l’exode, de la lenteur de l’âne aux envolées ferroviaires rêvées, ce sont toutes les manières de voyager qui ont été explorées. Mais toujours avec curiosité, sensibilité et fidélité à l’esprit du défi : lire l’Europe en mouvement, par ses marges comme par ses classiques.
Le voyage continue : en septembre, les Escapades européennes posent leurs valises sur les rives de la mer Noire. De la Roumanie à la Géorgie, en passant par la Bulgarie, l’Ukraine ou encore la Crimée littéraire d’un certain Tchékhov, ce carrefour culturel – hélas lieu de tensions et d’appétit des empires aussi – vous invite à explorer une autre Europe, entre mythe et mémoire, dérive et déferlement. À vos lectures — et à vos boussoles !

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