Juillet 2025 – Escapades européennes : La grande traversée des Alpes

Publié par Cléanthe le

Après les brouhahas comiques ou tragiques des scènes élisabéthaines, changement d’altitude ce mois-ci: en juillet, les Escapades en Europe ont grimpé vers les sommets! Le thème du mois, La grande traversée des Alpes, nous a entraînés entre névés et falaises, cabanes de bergers et crêtes oubliées, dans un monde où la roche parle à voix basse, mais profonde. Et une chose est sûre : ce que les récits de montagne perdent parfois en verbiage, ils le gagnent en intensité.


Solitude choisie et carnets d’altitude : Le garçon sauvage de Paolo Cognetti


Vero a ouvert la marche avec Le garçon sauvage, carnet introspectif signé Paolo Cognetti, où un écrivain en mal d’inspiration se retire dans une baita à plus de 2000 mètres. Il y retrouve les sensations de l’enfance, une nature âpre, les chiens, les estives… et la compagnie silencieuse d’auteurs comme Thoreau ou Rigoni Stern. Le texte, pudique et sensible, décline les rythmes de la montagne comme autant d’échos aux mouvements de l’âme. Pas de mythe de l’ermite ici, mais une solitude peuplée de présences humaines et littéraires. À lire au bord d’un torrent ou au pied d’un mélèze.


Mémoires alpines et guerre en altitude : Requiem pour un alpiniste de Mario Rigoni Stern


Autre voix majeure des Alpes italiennes, Mario Rigoni Stern nous emmène, grâce à Nathalie, sur des chemins plus rudes encore. Dans Requiem pour un alpiniste, c’est la guerre qui grimpe, escalade, se fige, s’enterre dans les Dolomites. Les récits mêlent Première Guerre mondiale, combats de haute montagne, mémoires de camarades disparus et vestiges retrouvés. Rigoni Stern inscrit dans les pierres les noms et les vies de ceux qu’on aurait pu oublier. Et rappelle que les Alpes ne sont pas qu’un décor de randonnée : elles furent aussi, pour des milliers d’hommes, un champ de bataille.


Cordées et vertige : Premier de cordée de Roger Frison-Roche


Je lis, je blogue a chaussé les crampons avec Premier de cordée, classique indémodable de la littérature alpine. Frison-Roche y célèbre les guides de Chamonix, hommes rudes et fraternels, mus par l’honneur et le sens du devoir. À travers le destin de Pierre, jeune homme aspirant à prendre la corde de tête malgré les réticences paternelles, c’est tout un pan de l’histoire de l’alpinisme qui se raconte, avec tension, lyrisme, et un sens du récit qui ne faiblit jamais. Un roman d’ascension… au sens propre comme au figuré.


Tragédie blanche et dépouillement : La neige en deuil d’Henri Troyat


Chez Ingannmic, c’est l’âpreté qui domine. Dans La neige en deuil, Henri Troyat oppose deux frères : Isaïe, ancien guide brisé par un accident, et Marcelin, jeune ambitieux attiré par la ville et l’argent. L’irruption d’un crash aérien dans leur vallée relance le drame : le sauvetage devient chasse au trésor, puis expédition infernale. Le style est resserré, épuré comme un versant nu, et l’émotion monte avec la pente. Une parabole poignante sur la cupidité, la solidarité, et la grandeur terrible de la montagne.


Chronique tessinoise : Jours à Leontica de Fabio Andina


Patrice nous emmène dans un autre type de traversée : celle du quotidien, humble et presque immobile, d’un vieil homme du Tessin, le Felice. Dans Jours à Leontica, le narrateur accompagne ce nonagénaire dans ses rituels matinaux, ses immersions glacées, ses visites de voisins. Rien ne se passe, et tout se dit. Le livre, entre journal, conversation et observation tendre, devient un hommage discret à une certaine manière de vivre au cœur des Alpes : lente, enracinée, résiliente.


Robinsonnade féminine : Le Mur invisible de Marlen Haushofer


Tullia, quant à elle, a pris un chemin plus inattendu, à travers le chef-d’œuvre de Marlen Haushofer, Le Mur invisible. Dans ce roman d’anticipation post-apocalyptique, une femme se retrouve seule dans les Alpes autrichiennes, séparée du monde par une barrière invisible. Tout a disparu. Ne restent que la nature, les animaux, les saisons — et sa propre survie. Le récit devient un journal de bord existentiel, une exploration sans fard de la condition humaine. La montagne, ici, est à la fois refuge, prison, et partenaire muette d’un lent désapprentissage de la civilisation.


Excursion patrimoniale avec Voyage dans les Alpes d’Alexandre Dumas


Ta d loi du ciné nous propose, comme souvent, un détour original, cette fois-ci aux côtés du volubile Alexandre Dumas. Dans Voyage dans les Alpes, extrait de ses Impressions de voyage, l’écrivain parcourt le Valais, dîne avec des guides, gravite autour du Mont Blanc, et s’amuse des anecdotes alpines. Récit parfois daté, parfois savoureux, c’est aussi un témoignage précieux sur le regard porté au XIXe siècle sur la montagne, entre fascination romantique et pittoresque folklorique.


Fiction familiale et tension sourde : Escarpées de Marlène Mauris


Enfin, Sacha a choisi Escarpées de Marlène Mauris, roman contemporain suisse ancré dans un décor valaisan. Une famille, trois sœurs, un père mutique, une mère épuisée, et une étudiante en art qui vient tout bousculer — ou presque. Le récit est heurté, parfois poétique, parfois maladroit, mais il dit bien cette tension entre repli et ouverture, entre isolement montagnard et désir de respiration. Une variation contemporaine sur les Alpes vécues comme huis clos.


Et pour finir : Derborence de Charles-Ferdinand Ramuz


Je referme la marche avec Derborence, l’un des plus beaux textes de Ramuz, poème minéral et tragédie mythique. Antoine, jeune homme enseveli par un éboulement, revient d’entre les morts. Mais comment retrouver sa place parmi les vivants quand on a côtoyé l’indicible ? Ramuz donne à la montagne une voix, une âme, une mémoire. Le roman, écrit dans une langue âpre et heurtée, vibre au rythme du silence, du vent et de la pierre. Une œuvre fondatrice de la littérature alpine, qui interroge notre rapport à la nature, à la mort, et au récit.



Merci à tous pour vos lectures! Et cette belle escapade de juillet. Chaque livre, à sa façon, a franchi les Alpes : par l’intime ou l’épique, la mémoire ou l’imaginaire. Et derrière chaque sentier, un vertige — parfois celui de l’altitude, souvent celui de l’existence. En juillet, les Escapades en Europe ont montré que la montagne, loin d’être un simple décor, est un lieu d’épreuve, de transmission, et de poésie



En août, place au mouvement ! À pied, à cheval, en voiture ou en train : pour cette nouvelle étape du challenge, nous suivrons les écrivains voyageurs dans leurs périples européens. Qu’ils partent sac au dos ou dans un compartiment de l’Orient-Express, les auteurs du mois d’août sillonnent le continent, carnet en main. Stevenson et son âne, Paolo Rumiz aux confins de la frontière, Jules Verne le long du Danube ou encore Sylvain Tesson sur Les Chemins noirs… J’ai hâte de découvrir quel sera votre itinéraire.



3 commentaires

tadloiducine · 17 juillet 2025 à 22 h 13 min

Merci pour ce récapitulatif toujours haut en couleur.
Je ne m’interdis pas une épaisse seconde contribution alpine (ou alpestre?) avant la fin du mois de juillet (j’en frisonne d’avance), et je commence déjà à songer à des modes de transport originaux pour le 15 août (brouette? Y en a!).
(s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

nathalie · 18 juillet 2025 à 6 h 15 min

C’est riche tout cela ! Tu as vraiment initié un truc qui nous motive et nous donne envie.

je lis je blogue · 18 juillet 2025 à 6 h 38 min

J’aime beaucoup tes récapitulatifs, cela motive pour continuer l’aventure européenne avec toi … mais quel travail cela doit te donner !

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