Michèle LESBRE: Rendez-vous à Parme

Michèle LESBRE: Rendez-vous à Parme

Il y a d’abord ce livre, La Chartreuse de Parme, qu’un ami, Leo, lui a légué après sa mort parmi plusieurs cartons de livres. Il y a aussi la phrase de cet homme, rencontré en Normandie l’été de ses 14 ans, qui venait de perdre sa fille dans un accident: “Quand vous serez plus grande, vous irez à Parme, il faut lire ce roman de Stendhal à Parme.” Il n’en faut pas plus à Laure pour décider un jour de prendre le train, seule, pour l’Italie…

Il y a aussi Jean, ce nouvel amant, dont elle ne sait presque rien encore et qui brûle en secret de venir la rejoindre à Parme…

J’ai découvert Rendez-vous à Parme presque par hasard, quoique je crois rarement au hasard en matière de lectures. Mon libraire avait mis le livre en évidence. Ce nom de Parme et la photo de couverture sont entrés en résonance avec les désirs du moments, enfin ce flou qui parfois recouvre mes désirs de lecture, mais qui toujours me guide. Justement, Rendez-vous à Parme est un beau livre de rencontres et de déambulation. Trois hommes. Un livre. Une ville. Et qui en enveloppent tant d’autres encore: comme ce professeur d’université élégant rencontré des années auparavant à la terrasse d’un café à Bologne, Bologne donc justement, mais aussi Comacchio, Ferrare, Turin, le théâtre de Patrice Chéreau, d’Ariane Mnouchkine, de Tadeusz Kantor, Sami Frey dans Je me souviens, Le Cri d’Antonioni, et le souvenir même de Prague. Autant de départs. D’allers et retours entre le présent de la déambulation et les silhouettes du passé. Les films et les lectures, les pièces de théâtre viennent nourrir les paysages de leur présence fantomatique. De ces bouts de souvenirs, Michèle Lesbre a fait un livre.

Rendez-vous à Parme est un récit épuré, pudique. J’y ai retrouvé les impressions d’une Italie que j’aime, celle du Nord, de Turin jusqu’à Venise: Comacchio, Parme, Bologne, Ferrare, Turin, autant de villes, autant d’îles émergeant du paysage monotone et pourtant si poétique de la plaine du Pô. Autant de silhouettes, que Michèle Lesbre esquisse d’un trait de crayon assuré – c’est un autre des charmes de ce récit.

Parme, Ferrare: “Proust n’avait pas tort, je la trouvais lisse, cette ville, un peu trop, sage, très sage. Pas la sagesse de Ferrare, qui est une sorte de philosophie du temps qui passe et ne change rien, ou peu de chose, mais une sagesse timide, quelque chose d’un peu absent.

Comacchio: “modeste et nue, sans palais, sans la foule, sans le tourbillon des vaporetti, rien que les canaux qui la traversent, la tricotent. Une île un peu flottante.

Turin: “Il y a des villes pour les chagrins et d’autres pour le bonheur, parfois ce sont les mêmes. J’étais restée plusieurs jours à errer sans but précis, une marche hasardeuse, un abandon absolu où les larmes n’avaient pas de place.[…] J’étais dans cette fatigue que j’aime, celle qui succède aux instants d’émotion.”

Le musée du cinéma du Mole Antonelliana: “Je me suis lancée dans la spirale qui s’envole vers des hauteurs vertigineuses, où les visages de tous les acteurs, morts ou vivants, ravivent des souvenirs, donnent une illusion d’éternité figée dans leur sourire et leur regard.”

Un très beau livre!

Je suis restée un long moment près de la gare, tournant et retournant dans le quartier, dans une indécision où se mêlaient images lointaines et petits projets pour les jours d’après. Je ne comprenais pas cette étrange incertitude, qui en même temps m’entrainait dans une douce dérive.

Puis j’ai décidé d’aller à Comacchio, dans le delta. Je connaissais tous les noms des gares successives jusqu’à Codigoro, où il me faudrait alors prendre un bus. J’avais envie de la lagune, de son horizon vague, des petits canaux, des trois ponts noués les uns aux autres, des arcades du corso Mazzini, où Antonioni et Wenders avaient tourné une séquence de Par-delà les nuages, et qui conduit à l’ancienne conserverie d’anguilles. J’avais besoin d’un décor simple, dépouillé, qui me laisserait à mes rêveries, ne m’obligerait à rien.

2 réflexions sur « Michèle LESBRE: Rendez-vous à Parme »

    1. Oui, Bologne et RAvenne, j’aime beaucoup aussi! D’ailleurs, le livre de Michèle LESBRE a tellement réveillé mon désir de ces régions de l’Italie que du coup j’ai programmé un voyage dans la région de Ferrare. 😉

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