James HILTON: Les Horizons perdus

James HILTON: Les Horizons perdus

Les-horizons-perdus.jpgIls sont quatre, deux officiels britanniques – le consul et le vice-consul de Baskul, région reculée de la Chine, une religieuse, un citoyen américain, contraints de quitter la ville agitée par des désordres révolutionnaires. Ils embarquent dans un avion qui doit les évacuer de la zone des troubles. Mais contre toute attente, l’avion, au lieu de se diriger vers la côte, prend la direction des montagnes de l’Himalaya. Recueillis au monastère de Shangri-La, après un atterrissage périlleux qui coûte la vie au pilote, ils attendent l’arrivée prochaine d’une caravane de commerçants, pour s’efforcer avec eux de rejoindre la Civilisation. Mais la caravane tarde à venir et tout semble confirmer que les quatre occidentaux sont piégés dans ce décor de rêve…

 

Sans conteste, Les Horizons perdus est l’un des chefs-d’œuvre du roman d’aventures. D’une redoutable efficacité, le récit juxtapose les moments d’une exploration pleine de mystères et de rebondissements, qui ont aussi valeur de symbole ou d’un parcours initiatique : l’enlèvement, le voyage périlleux et héroïque au-dessus de l’Himalaya, la découverte du monastère bouddhiste de Shangri-La, lieu d’harmonie et de bonheur, régnant magnifiquement sur une vallée perdue, coupée du monde extérieur, … Mais qu’est-ce au juste que Shangri-La ? Un refuge réservé aux hommes méritants, en ces temps de discorde et de malheur au plan international, un royaume d’utopie ou bien une contre-utopie, une prison où les moines cherchent par des histoires invraisemblables (celles d’une quasi-conquête de l’immortalité) à piéger nos voyageurs ? Protégés par une barrière de montagnes de plus de sept mille mètres, les moines restent cependant à Shangri-La informés des grands mouvements internationaux, grâce à deux caravanes annuelles qui leur procurent tous les objets de confort et les ouvrages qu’ils désirent. Mais au prix d’un autre rapport au temps. Le monastère est un haut lieu de spiritualité où chacun apprend d’abord par le biais d’un autre rapport au temps à dominer ses impatiences.

 

L’une des forces de l’auteur, efficace scénariste dans le Hollywood des années 30, est d’avoir su suffisamment individualiser ses personnages. Ils vont chacun trouver dans leur propre histoire des raisons différentes de rester dans le monastère : Henry D.Bernard, l’américain, cache sous une fausse identité un passé malhonnête et a toutes les raisons de se faire oublier du monde ; miss Roberta, religieuse de la Mission orientale, trouve dans la vallée de Shangri-La et ses habitants un lieu d’élection pour exercer son ministère ; rescapé de la guerre des tranchés, le consul Hugh Conway aspire au calme et à la paix que lui offre la vie à Shangri-La, il s’éprend d’une jeune moniale, Lo-Tsen, que courtise plus activement son vice-consul, le capitaine Charles Mallinson. Pourtant, comment accepter de rester piégé toute sa vie, même en ce lieu paradisiaque de Shangri-La ? La raison occidentale, incarnée dans le roman par le capitaine Mallinson, peut-elle s’accommoder des surprenants légendes qui courent sur la nature de cette vallée coupée du temps ? Poussé par Mallinson et Lo-Tsen le consul Hugh Conway ne doit-il pas risquer le voyage retour ?

 

Leur retour au monde va se révéler particulièrement périlleux. Il est le récit d’une occasion manquée, d’un éloignement du paradis terrestre, d’un horizon perdu, souligné à la fin du roman par un possible retour de Conway à Shangri La. Le lecteur ne saura jamais si Conway a réussi à retrouver le monastère perdu et si la vieille femme qui l’accompagnait avant son dernier voyage était bien la jeune Lo-Tsen brusquement et incompréhensiblement vieillie par sa sortie de la vallée. C’est grâce à ce genre de détails cependant que le récit travaille et qu’il continue longtemps à travailler dans l’esprit du lecteur.

 

 

Billet publié dans le cadre du Challenge Les Mondes imaginaires d’Arieste.


logo-challenge-lieux-imaginaires

13 réflexions sur « James HILTON: Les Horizons perdus »

  1. @Denis: je ne le connaissais que de nom, grâce au film que Capra a tiré de son roman dans les années 30, mais je n’ai pas vu le film, ce qui ne saurait tarder je crois…

  2. @Arieste: je ne peux que t’en conseiller la lecture. Mais merci d’abord à toi pour ton challenge qui m’a permis de ressortir de ma bibliothèque ce roman que j’y avais laissé
    trainé depuis quelques temps. Et cela a été une agréable découverte pour moi aussi.

  3. @Zazy: Je te conseille vraiment la lecture de ce roman, si tu aimes les récits d’aventure mettant en scène des sociétés perdues/coupées du monde. En plus son côté humaniste est
    une singularité dans un genre longtemps dominé par la littérature coloniale, aux lourds sous-entendus idéologiques (L’Atlantide de P.Benoit, etc.)

    1. Le film attend sagement que je le regarde dans sa pochette DVD depuis des années. Le livre est en tout cas pour moi un modèle du genre du roman d’aventure.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.