Jacques BONNET: Des bibliothèques pleines de fantômes

Jacques BONNET: Des bibliothèques pleines de fantômes

Ce livre s’adresse d’abord à ceux qui ont réuni autour d’eux plus de dix mille livres, ou qui voudraient le faire. Catégorie à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir, sans que je sache d’ailleurs si c’est vraiment d’honneur qu’il s’agit, les livres s’étant dans mon cas pour ainsi dire accumulés d’eux-même. Ma politique en la matière est plus rigoureuse que celle de l’auteur de ce petit essai, qui avoue tout garder, puisque j’applique une loi draconienne, de ne jamais conserver de titres en double, sauf pour la valeur d’un commentaire, et que je m’efforce en plus depuis plusieurs années de racheter systématiquement les œuvres complètes de plusieurs auteurs, dont je peux ainsi me débarrasser des volumes épars – une façon intéressante d’ailleurs d’accroitre sa bibliothèque en réduisant le nombre de volumes! Je ne sais pas non plus si j’appartiens à la catégorie susnommée de des dix à vingt mille livres. Mais la dernière fois que j’ai compté, j’en possédais plus de sept mille, et comme c’était il y a un moment, je peux penser qu’aujourd’hui le nombre fatidique est atteint.


Si je parle autant de moi, c’est que le livre de Jacques Bonnet y entraîne. C’est un de ces ouvrages que ceux qui aiment la lecture se plaisent régulièrement à parcourir, entre deux livres justement. J’en ai remarqué le très beau titre récemment sur le blog de Lou. Et c’est un bonheur, en effet, de savoir qu’il y en a d’autres que vous avec qui vous partagez cette douce folie d’aimer les livres – douce en tout cas tant que vous n’envisagez pas de revêtir l’armure et de foncer, l’arme au poing, sur des moulins à vent!


Pourquoi cette célébration auto-contemplative des livres et des bibliothèques nous plait tant? Car il ne faut pas aller chercher ailleurs le plaisir qu’on éprouve à lire Jacques Bonnet. Qu’apprend-on de l’origine des bibliothèques personnelles, de la différence de la bibliophilie et de la bibliomanie, des problèmes de classement, du rapport qu’on entretient avec les personnages et les auteurs? Rien de neuf. Mais il est bon qu’un autre que nous nous le dise. Comme dans ces conversations qu’on poursuit, dans l’intimité d’un ami, simplement pour le plaisir de dire à deux ce que chacun séparément on pense. Et comme dans une relation d’amitié, on en sort avec une liste de quelques livres à lire – ceux que, dans le tas, on ne connaissait pas et dont, vue la qualité de ceux qu’on connaissait déjà, on pense dès maintenant le plus grand bien.


Mais il y a plus, une interrogation qui revient plusieurs fois sous la plume de Jacques Bonnet, et contribue pour le coup à l’originalité du livre: le développement de l’Internet, du numérique, de vastes banques de données rendant les livres disponibles en permanence et où qu’on soit ne rendent-ils pas caduque ce besoin de réunir autour de soi tous les livres dont on suppose qu’on pourrait avoir un jour besoin? Ne vivons-nous pas la fin des grandes bibliothèques personnelles?


Moi-même qui vit au carrefour de ces deux cultures – celle, bibliophile, qui voit dans l’accumulation des films, des livres, des disques, de tout support culturel une des conditions de la liberté individuelle, et celle, technophile, qui fait confiance au développement des instruments de communication et sait pratiquer une forme de nomadisme – je pense aussi que nous vivons un changement de monde. Et, histoire de trancher avec le pessimisme ambiant, pourquoi faudrait-il que culturellement celui de demain soit moins heureux que celui d’hier?

9 réflexions sur « Jacques BONNET: Des bibliothèques pleines de fantômes »

  1. Je viens de lire ce petit essai. Quel régal !
    Je crois que tous les amoureux de livres s’y retrouvent, avec de grandes ou petites bibliothèques. Jacques Bonnet n’exclut personne ! Et en plus il décomplexe les lecteurs compulsifs de manière
    merveilleuse ! 🙂

  2. @Marie: ce qu’il y a de curieux dans la passion des livres, c’est le plaisir qu’on prend à lire les livres de ceux qui sont plus atteints que nous encore et nous parlent de cette passion.
    C’est en effet un essai réjouissant.

  3. Je viens de terminer ce livre et de le remettre dans ma bibliothèque et je fais un peu le tour des blogs qui l’évoquent. Merci pour cet article !

  4. Merci Cléanthe pour cet article très instructif sur nos bibliothèques personnelles. Posséder près de 10 000 livres est une chose qui fait rêver. Je n’en possède pas autant, même si j’en ai beaucoup. Mais il est vrai que les bibliothèques d’ami(e)s, les blogs et les sites de critiques de livres, ont considérablement augmenté ma quantité d’ouvrages à lire. Par contre, même si internet a révolutionné ma façon de lire et de chercher des ouvrages (plus rapide et facile), je ne me sens pas prête à lui céder le plaisir de tourner les pages et de “sentir” le livre entre mes mains … Mais, peut-être que demain, par manque de place …

  5. je pensais comme toi jusqu’à découvrir l’encre et le papier électroniques. Maintenant je possède l’un de ces livres électroniques (le Cybook de Bookeen), et je lis à peu près la moitié des livres
    sur ce support. Et franchement, au bout d’une vingtaine de pages, les différences avec le livre papier ne sont plus vraiment perceptibles: c’est le texte seul qui compte et la qualité de sa
    reproduction.

  6. Pour des raisons d’espace posséder 10000 livres n’est pas mon objectif (même si au fond, je réaliserais un rêve!) Mais le livre électronique, c’est hors de question! Les technologies ne se passent pas vraiment d’une génération à une autre comme un bon vieux livres lus par ceux qu’on aime! JAMAIS pour moi!

  7. Livre électronique ou livre papier? Comme je l’écris, je vis pour ma part entre ces deux cultures. D’ailleurs, certains des livres que je chronique ici, je les ai lus en format numérique. C’est le
    cas des Zola par exemple. Franchement, je n’ai pas envie de choisir entre les deux. Ce sont seulement deux supports de lecture. Ce que je sais par contre, c’est que la démocratisation de la lecture
    se poursuivra à ce prix, celui du livre numérique. Alors, quand je peux me procurer un titre que je cherche, et cela quand je veux, depuis chez moi ou de tout autre lieu, peu m’importe que ce soit
    un texte électronique plutôt que sur du bon vieux papier. Le seul handicap était celui des écrans. Mais depuis le développement des e-books et du papier numérique, je crois qqu’une solution
    satisfaisante est trouvée.

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