
Grandes passions, coups de vent sur la lande, souffrances, tortures, tentatives de meurtre, passé dissimulé, le tout pimenté d’un mysticisme à fleur de peau, plus quelques figures de religieux puritains, hypocrites à eux-même et véritables bourreaux de ceux qui les approchent, tous les éléments sont réunis dans Jane Eyre de ce romantisme échevelé qu’on ne trouve qu’en Angleterre. D’ailleurs le roman n’était-il pas déjà trop fort pour les lecteurs anglais eux-mêmes pourtant habitués à la lecture de ces romans qui vous anéantissent émotionnellement, dont la lecture est un effort, délicieux sans doute, mais épuisant nerveusement? – c’est le ressort des romans de Mrs Radcliffe par exemple. A l’époque, on compara Charlotte Brontë à Jane Austen. Et on déclara que Charlotte n’avait pas su retenir la leçon de Jane. Et pour cause! Face à ce récit d’une passion maudite, les atermoiements d’Elisabeth Bennet et de Mr Darcy, les deux héros d’Orgueil et préjugés, nous semblent d’aimables bluettes de collégiens. Pourtant l’enjeu est le même: encore et toujours cette sempiternelle histoire de mariage! Mais avant Charlotte Brontë, il semble qu’on n’ait jamais mis autant de rage à aimer.