Ann RADCLIFFE: Les Mystères d’Udolphe

Ann RADCLIFFE: Les Mystères d’Udolphe

Les mysteres d'udolpheEmilie de Saint-Aubin, de famille gasconne, restée orpheline à la mort de son père, tombe sous la tutelle despotique de sa tante, Mme Chéron, dont le mari est un affreux Italien, nommé Montoni. A Toulouse où la jeune fille suit sa tante, une idylle se noue avec le beau Valencourt, mais voulant empêcher sa nièce de s’unir à lui, Mme Chéron l’emmène dans l’obscur château d’Udolphe, dans les Apennins. La bâtisse, dont l’atmosphère évoque une prison de Piranèse, n’est pas le lieu dont rêverait une noble et délicate jeune fille. Mais il se trouve que la jeune fille est l’héroïne d’un roman gothique. Passages secrets, fantômes, apparitions, musiques étranges et cadavres à profusion, tout est là pour contribuer à l’horreur…


Horreur et terreur

C’est un roman qui parle aux nerfs. Il n’est pas sûr que le ressort utilisé soit précisément ce qu’aujourd’hui nous appelons horreur. Rien de vraiment terrifiant dans ce roman. Mais un art très sûr d’énerver le lecteur. Une forme de suspense étiré à l’extrême. On pourrait presque parler d’un maniérisme de la tension: brinquebalée comme un ballot dont d’affreux personnages font ce qu’ils veulent, le fragile Émilie est celle au travers de qui le lecteur parcourt ces espaces terrifiants. Le talent d’Ann Radcliffe cependant est de nous dire le moins possible de ce qu’Emilie voit, des raisons objectives de sa terreur, pour insister sur l’expression de ses sentiments. Nous devons attendre plus de 200 pages par exemple pour savoir ce qu’elle a vu derrière le rideau, dans une pièce à Udolphe, scène qui est la cause cependant de son effroi au cours de toutes ces pages. Et nous n’apprenons qu’à la fin du roman quels sont les mots qu’Émilie a aperçu en brûlant les papiers cachés de son père, pour obéir à ses dernières volontés. En revanche nous suivons chacun de ses états d’âmes, ses moments d’effroi, ses espoirs, abattement, inquiétude. A cela s’ajoute l’alternance de moments de sérénité et des moments de dite tension qui se concentrent sur le long passage central à Udolphe.


La variété des registres et des tonalités

C’est que les nombreuses péripéties de ce roman permettent à Ann Radcliffe de faire varier avec talent la tonalité des différents épisodes. On y trouve des récits bucoliques, de superbes descriptions de paysages, le récit d’une idylle amoureuse, l’aventure terrifiante d’Udolphe, enfin l’évocation apaisée mêlée de mystères d’un autre château, le château le Blanc, où s’achève le récit et où l’infâme Montoni est démasqué. L’unité du livre est à chercher dans l’atmosphère mystérieuse qui domine et dans un art consommé du pittoresque qui s’exprime aussi bien dans les visions heureuses, sublimes des Pyrénées ou de la Méditerranée (qu’Ann Radcliffe peint sans les voir, sans jamais les avoir vu même que par tableaux interposés), que dans l’évocation terrifiante du Château d’Udolphe et de ces Apennins obscurs qui ne sont pas sous la plume de l’auteur comme aujourd’hui une destination de vacances courue, mais des sortes de Carpathes de l’époque, le lieu de toutes les terreurs et de toutes les apparitions.

 

6 réflexions sur « Ann RADCLIFFE: Les Mystères d’Udolphe »

  1. Tiens voilà un livre qui peut figurer dans le challenge romantique. Les romans gothiques anglais peuvent être inclus dans le romantisme qui a commencé en Angleterre plus tôt qu’en France. Si tu as
    envie de de l’ajouter, c’est possible, tu me préviens en laissant un lien!
    J’ai bien envie de le lire! Mais c’est difficile de se remettre dans la mentalité des jeunes filles de l’époque et de trembler de peur comme la Catherine de Northanger abbey.

  2. @Claudialucia: je fais un petit tour dans mes billets et je laisse les liens qui pourraient intéresser le challenge romantique sur ton blog.

  3. J’ai bien aimé et je trouve que tu en parles très justement. C’est déroutant pour le lecteur d’aujourd’hui mais c’est intéressant en le replaçant dans le contexte.

  4. Je devais le lire dans le cadre du challenge Jane Austen 2009 avant “Northanger Abbey”. J’ai un peu reculé devant l’épaisseur du livre mais tu me redonnes envie!

Répondre à Titine Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.